Accord '' sécurisation de l'emploi ''
QUELLES CONSÉQUENCES POUR LES SALARIES ?
«Un accord potentiellement historique s’il est repris tel quel dans la loi» selon Laurence Parisot, «La France figurera désormais parmi les meilleures références pour
ce qui est de la flexisécurité» a renchérit Patrick Bernasconi (négociateur du Médef), «Les employeurs français gagnent une nouvelle flexibilité du travail» titrait le Wall Street journal… Chaque
jour plus de 1 500 nouveaux chômeurs sont recensés, plus d’un million de ruptures conventionnelles ont été enregistrées depuis 2008 (dont 80% imposées aux salariés), les plans de départs
volontaires sont devenus monnaie courante.
Pourtant le patronat, qui en veut toujours plus, prétend qu’il serait difficile de licencier, que le droit du travail serait trop rigide… Dès lors, pour travailler, il faudrait accepter de perdre
tous ses droits, la normalisation du travail non ou mal déclaré,...
Le patronat l’a rêvé, le gouvernement s’apprête à l’exaucer.
Si les députés votent la loi reprenant les points de l’accord, «les salariés passeraient d’un rapport de subordination à un rapport de soumission» a déclaré Bernard Thibault à la presse.
En effet, «Le contenu du paquet n’a rien à voir avec ce qui est écrit sur l’étiquette» et les contreparties accordées aux salariés, comme la généralisation de la complémentaire santé, sont
hypothétiques (puisque reportées à des négociations dont le résultat est aléatoire). Par contre, les actions patronales sont facilitées au détriment des droits salariés. «Le texte, en facilitant
les licenciements et en réduisant considérablement le contrôle du juge sur l’exécution et la rupture du contrat de travail, constitue une grave régression pour les droits des salariés et une
nouvelle source de précarité» souligne, dans un communiqué, le syndicat de la magistrature tandis que le syndicat des avocats de France prévient «Le medef revendique
l’immunité judiciaire pour les entreprises».
Par exemple, en cas de licenciements économiques collectifs, les règles applicables pourront être fixées, non plus par le Code du travail, mais par un accord d’entreprise, ou directement par
l’employeur. En faisant sauter le socle des garanties collectives, en minorant le rôle du Comité d’entreprise et en réduisant les contestations juridiques, les procédures de PSE pourraient être
réglées en deux mois pour les entreprises de moins de 99 salariés et 4 mois pour les entreprises de plus de 500 salariés.
Ce gain de temps compliquera la mobilisation des salariés. Pourtant, souvent comme chez HP en 2005-2006, les manifestations des salariés pendant plusieurs mois ont permis d’obtenir la réduction
du nombre de licenciements et l’amélioration des conditions de départ du PSE.
De plus, en cas de diffi culté économique, la baisse des salaires et les modifi cations de temps de travail sont désormais possibles. Par exemple, un salarié refusant une mutation sur un site à
l’autre bout de la France pourrait être licencié pour motif personnel avec seulement les indemnités légales. Même pour les salariés acceptant cette mutation, les règles encadrant la mobilité
géographique pourraient être moins favorables à celles appliquées jusqu’ici. C’est la crise, et à force de bourrage de crâne, les français sont inquiets.
Mais sont-ils prêts à accepter n’importe quoi à n’importe quel prix ?
D’autant qu’en regardant de plus près dans les autres pays européens qui ont détruit les droits des salariés, le bilan n’est pas glorieux pour les salariés et l’emploi. A l’usine Nissan
Sunderland, les conditions de travail se sont tellement dégradées que la moyenne d’âge des salariés ne dépasse pas 30 ans. En Allemagne, avec l’extension du travail à temps partiel et l’absence
de salaire minimum, le nombre de travailleurs pauvres a augmenté de 50% depuis 1998 et les salaires contractuels, compte tenu de l’inflation, ont diminué de 4,5% par rapport à 2000.
En Espagne, les réformes successives ruinant le modèle social espagnol depuis 2008 n’ont pas jugulé l’accroissement du chômage qui touche aujourd’hui 26% de la population active.
Même en France, les accords négociés dans les entreprises ces dernières années n’ont pas permis de sauver des emplois. L’accord signé chez General Motors en 2010 en fait la démonstration.
En effet, la direction de GM a conditionné le rachat de l’entreprise en échange de sacrifices incluant le gel des salaires sur 3 ans, la perte de l’intéressement et la suppression de 3 journées
de RTT annuellement. Au final, les salariés ont perdu environ 300€ par mois. Mais pour gagner toujours plus, par le biais de gains de productivité, deux plans de départs volontaires ont été mis
en place entrainant la suppression de 500 emplois sur 3 ans. Cette baisse des effectifs a détérioré les conditions de travail des salariés restants.
Enfin, malgré les promesses d’investissements pour pérenniser l’emploi jusqu’en 2020, GM s’est débarrassé du site pour un euro symbolique en décembre dernier. Pendant ce laps de temps, il a
enregistré 100 millions d’euros de profits grâce aux gains de productivité réalisés sur le dos des salariés.
Enfin, au niveau national, les embauches en CDI ont chuté de 10,5% en 2012 contre une hausse de 7,7% des CDD de moins d’un mois. D’après le gouvernement cet accord est « une avancée décisive »
même si les syndicats FO et CGT, représentants la majorité des salariés, ont refusé cet accord. D’ailleurs, ils se mobilisent pour faire connaitre les conséquences réelles des dispositifs. Le
plus souvent les salariés sont fatigués de faire des efforts alors que les profi ts des entreprises sont toujours aussi importants. Même chez les cadres ou les ingénieurs, dont certains affi
rment avoir des revenus suffi sants pour accepter le gel de leurs salaires, la pilule a du mal à passer. En effet, ils essuient eux aussi depuis des années les choix des directions et doutent des
retombées pour l’entreprise comme c’est le cas sur le site de Renault à Guyancourt (voir dans le courrier fédéral 335). C’est dans ce contexte national que le cynique patron du constructeur
automobile, Carlos Ghosn a proposé, dans le cadre des accords compétitivité de l’entreprise, de réduire provisoirement la «partie variable»
de son salaire en échange de la signature des syndicats. Le patronat, prêt à tout pour obtenir satisfaction, semble craindre la montée en puissance de la contestation ? Ainsi, la présidente du
Medef a fait savoir qu’elle n’était pas satisfaite de la retranscription de l’accord signé le 11 janvier dernier sur la sécurisation de l’emploi.
C’est un nouveau coup de pression sur la majorité présidentielle et surtout aux députés qui seraient tentés de retoucher en profondeur l’accord sur l’emploi qui jusqu’alors offre les coudées
franches au patronat. Mais dans les entreprises, la mobilisation des militants CGT pour faire connaitre le projet semble porter ses fruits. La Fédération recense déjà de nombreux appels.
La partie n’est pas gagnée pour le patronat et le bras de fer ne fait que commencer.
Rendezvous le 5 mars.