Alors que l'on pensait le projet de contrat
emploi-compétitivité concocté par Sarkozy Parisot, remisé définitivement aux oubliettes, la rengaine du «coût du travail» revient à nos oreilles avec en ligne de mire les négociations sur ce que
le gouvernement actuel appelle «la sécurisation de l'emploi».
Le MEDEF parle même de «choc de compétitivité», tout un programme où la flexibilité devient l'Alpha et l'Omega des mesures à décider.
Au nom de la défense du CDI et face à l'explosion de la précarité (3 contrats sur 4 sont des CDD en 2011), le deal proposé par le MEDEF serait de créer un CDI « éjectable », exigeant à la fois
une période d'essai allant jusqu'à un an et plus de liberté pour licencier. Les entreprises s'exonéreraient des obligations du CDD actuel (prime de précarité) et le CDI actuel serait évidemment
supprimé.
Mais ce n'est pas tout, le MEDEF ayant une notion bien à lui du travail, à savoir un coût, il voudrait tout à la fois réduire le salaire selon la conjoncture et transférer les cotisations
patronales sur l'impôt, via la CSG.
Comment un tel tableau préliminaire pourrait-il aboutir à un accord favorable aux salariés ? Comment d'ailleurs imaginer sérieusement que de tels ingrédients inoculés une énième fois et à plus
forte dose, pourraient ouvrir des perspectives nouvelles et une sortie de crise ?
La dite « compétitivité-coûts » :parlons-en !
Car enfin, lorsque l'on parle de compétitivité et que l'on s'en tient au « coût du travail » pour justifier de nouvelles saignées sociales et plus de souplesse pour les directions d'entreprises,
comment ne pas faire le constat évident que tout cela a déjà été pratiqué et ne sert qu'à aggraver encore plus la situation ?
Aujourd'hui 182 MD€ d'aides multiples et exonérations de « charges » sont consenties, sans contreparties, sans exigences de résultats. Où est le résultat ? Même Ph. Séguin, président de la cour
des Comptes dans les années 2000 s'interrogeait sur cette pratique. Et depuis tout s'est emballé : en 2005 l'ensemble de ces mesures représentait 2,5% du PIB, aujourd.hui c'est 9%. Pendant le
quinquennat précédent, la taxe professionnelle a été abolie et le crédit impôt recherche atteint maintenant 5 MD€ sans aucun effet sur le niveau de notre R&D. En 1995, celle-ci atteignait
2,29% du PIB en France et 2,21% en Allemagne. En 2010, elle chute à 2,11% en France et s'élève à 2,84% en Allemagne. Pour le seul secteur prive, elle represente 40 Md€ en Allemagne et seulement
19 MD€ en France.
Faire accepter l'inacceptable passe toujours par des arguties assénées comme vérité unique et non discutable ! Il en est ainsi du « coût » du travail que nous appelons quant à nous PRIX du
Travail. Comment pourrait-il d'ailleurs être un coût alors qu'il est le seul vecteur économique créateur de richesses ?
Et si l'on parlait du coût du capital ?
Là aussi, quelques chiffres permettent de situer l'ampleur des dégâts. Ainsi, le niveau des dividendes distribués en France est le plus élevé parmi tous les pays européens. L'exemple de PSA est
probant : 430MD€ en 2011 en comptant le rachat de leurs propres actions, cet artifice au coût exorbitant permettant aux actionnaires d'accroître leurs dividendes.la boucle est bouclée !
On peut aussi citer SANOFI qui engrange près de 6 MD€ de profits en 2011 et devient la 1ere capitalisation du CAC40. Toujours en 2011, elle recoit 135 MD€ de crédit impôt recherche mais en 2012,
elle annonce un plan de licenciement...dans ses activités de R&D. Belle façon de préparer l'avenir !
En 2010, les sociétés non financières payaient 156 MD€ de cotisations sociales, mais dans le même temps, le total de leurs intérêts de dette et des dividendes versés atteint 309 MD€. Depuis 1985
la part des dividendes versés prise sur la valeur ajoutée a été multipliée par 13, celle des salaires n'a même pas été multipliée par 2.
Quant aux banques, leur folie spéculative a plongé l'économie mondiale dans une crise financière d'ampleur inédite, ce qui a poussé les Etats à s'endetter pour les renflouer et éviter leur
faillite en cascade. Résultat, elles ont recu la bagatelle de 1000MD€ tout en continuant de bloquer les crédits aux entreprises, en particulier aux PME. Cerise sur le gâteau, les mêmes financiers
fauteurs de crise somment en retour les Etats d'être économes en rognant les services et investissements publics et appellent sans vergogne à s'en prendre à la protection sociale et aux salaires…
une véritable ineptie économique qui annihile la croissance!
On n'obtient pas de croissance en supprimant des emplois ou en abaissant les salaires. Au contraire, c'est l'emploi qui génère la croissance. En réalité, cette notion de « coût » du travail n'est
servie que pour tronquer et tromper sur les enjeux réels de société auxquels nous sommes confrontés avec des actionnaires toujours plus avides de dividendes et déconnectés de l'économie réelle.
Le dernier exemple en a été fourni par le projet de fusion EADS-BAE où Les fonds de pension Anglosaxons, majoritaires dans BAE, avaient une seule exigence : écarter les Etats et laisser libre
cours au niveau maximal du versement de dividendes. Au diable la stratégie et l'investissement industriels, l'innovation, les coopérations et l'emploi !
Flexibilité et sécurité d'emploi sont antagoniques
La volonté du MEDEF de lier une plus grande sécurité d'emploi des salariés avec plus de «souplesse» dans l'adaptation de l'emploi, pour un accord soi-disant «gagnant-gagnant» est un leurre. Le
MEDEF réclame encore plus de liberté de licencier pour mieux embaucher... c'est absurde et l'Espagne qui a pratiqué le plus en Europe cette politique de flexibilité de l'emploi sait où cela mène
: 53% des jeunes de moins de 26 ans sont sans emploi.
C'est une autre orientation qu'il faut prendre en se donnant les moyens d'orienter l'argent vers la création de richesses réelles. C'est plus de contrôle qu'il faut appliquer aux entreprises qui
reçoivent des aides publiques, ce sont des contreparties qu'il faut exiger en termes de recherche et d'investissements, de création d'emplois et de politiques salariales. C'est aussi une loi
d'interdiction des licenciements qu'il faut appliquer dans les entreprises qui font des profits.
Des nouveaux droits pour sécuriser l'emploi
Chaque année, 7 millions de salariés changent de situation ou d'emploi et perdent ainsi l'essentiel de leurs droits acquis. La CGT demande que les droits soient étendus, de l'emploi tenu au
salarié, par une véritable sécurisation des parcours professionnels. C'est la transférabilité de droits et garanties individuels renforcés qui doit être au c!ur des négociations en cours. La
mobilisation initiée par toute la CGT le 9 octobre pour l'industrie et l'emploi a été un succès unanimement reconnu. Un récent sondage Harris Interactive montre qu'une large majorité de salariés
est en phase avec les propositions que défend la CGT, tout cela est de bon augure pour se faire entendre. Les salariés et en l'occurrence les ICT n'ont rien à gagner dans un soit disant
compromis, en réalité «gagnant-perdant» qui ferait de nous les «pigeons» de la visée du MEDEF : plus de flexibilité de l'emploi, déresponsabilisation sociale des grandes entreprises pour
sécuriser et faire croître encore les dividendes.
D'autres choix deviennent incontournables pour inverser cette fuite en avant vers toujours plus d'austérité, de chômage et de mal-être au travail.
C'est le choix délibéré de la financiarisation de l'économie qui coûte le prix fort à toute la société.
S'en prendre à la finance et orienter l'argent vers la production de richesses, c'est faire le choix de l'investissement utile dans l'industrie, dans l'emploi, la formation et les salaires.
Telle est la seule issue viable pour retrouver la croissance.
http://www.ftm.cgt.fr/administration/documents/lettre_ufict_321.pdf